Le narrateur, qui se présente comme un chasseur, découvre un jour par hasard, dans un sanctuaire de l'île de Lesbos, un tableau représentant une allégorie de l'Amour. Après s'être fait expliquer le contenu du tableau par un guide local, il entreprend de composer un récit destiné à illustrer cette histoire, celle de Daphnis et Chloé. Tous deux ont été exposés à leur naissance, comme dans de nombreux mythes grecs, et ont été recueillis, nourris et élevés respectivement par une chèvre et une brebis, puis, grâce à l'aide de Pan et des Nymphes, qui veillent sans cesse sur eux, par deux familles de bergers. Daphnis garde ses chèvres, Chloé ses brebis, et les deux enfants grandissent ensemble dans l'amitié et l'innocence la plus sincère, sans rien connaître des mystères entourant leur naissance, qui ne leur seront dévoilés que bien plus tard, comme le veut la tradition littéraire. Peu à peu, poussés l'un vers l'autre par les dieux et le destin, ils voient leur attirance l'un pour l'autre grandir jour après jour, mais ignorent pour l'instant tout de l'amour qui les unit. Au hasard d'un baiser échangé sous un arbre, d'un bain pris ensemble dans une source, d'une promenade dans les pâturages, ils se découvrent peu à peu, mais n'osent encore rien se dire du bouleversement qui les affecte, et des sentiments qu'ils sentent naître et croître dans leur coeur. Or, un autre pâtre a jeté son dévolu sur la belle Chloé, et est bien résolu à l'épouser, quitte à devoir pour cela tuer Daphnis, qui ne sait encore rien du danger qui le guette...

 

Oeuvre majeure de la littérature grecque, Daphnis et Chloé est sans doute le plus beau roman pastoral jamais daphniscomposé. Ecrite entre le IIe et le IIIe siècle de notre ère, cette histoire d'amour entre un pâtre et une bergère, que les dieux ont choisi de réunir, malgré les nombreux obstacles qui vont tenter de les séparer (rivaux, familles, et même guerres et enlèvements perpétrés par des pirates), n'a presque rien perdu de son charme et de sa fraîcheur. Dans un cadre bucolique proche de celui des Idylles de Théocrite, Longus décrit l'amour de deux êtres attachants de naïveté et de candeur, irrésistiblement attirés l'un vers l'autre par la volonté des dieux, Pan en tête. Bien sûr, les conventions littéraires, et en particulier romanesques, ont beaucoup évolué depuis l'écriture de Daphnis et ChDaphnis Chloe Cortot Louvre CC171loé, et pourtant, si l'on se prête au jeu des histoires de bergers, des chants accompagnés de syrinx, des journées passées à faire paître le troupeau, aux invraisemblances du récit, au merveilleux qu'on peut sentir poindre par moments, et surtout à l'ironie du narrateur, perceptible en filigrane et qui permet à ce récit de se distinguer des autres romans grecs, alors on se laisse emporter par la beauté de cette histoire d'amour immortelle, qui a inspiré tant de peintres, de sculpteurs, de musiciens, et bien sûr d'écrivains, Bernardin de Saint-Pierre (Paul et Virginie), Colette (Le Blé en herbe) ou encore Mishima (Le Tumulte des flots), pour ne citer qu'eux. Un chef-d'oeuvre de poésie, de légèreté et de grâce, plutôt bien rendu par la traduction (qui n'égale toutefois pas, selon moi, celle de Grimal), qui tente de restituer la tonalité du texte grec sans trop l'alourdir par une abondance de notes érudites, et qui permettra sans doute à beaucoup de lecteurs de se familiariser avec la littérature antique, souvent considérée comme trop touffue, difficile à comprendre et à lire en dehors des oeuvres majeures que sont l'Iliade, l'Odyssée et l'Enéide, et que j'encourage par ailleurs vivement à (re)découvrir. En somme, un roman magnifique, qui, près de vingt siècles après sa composition, reste toujours aussi sublime, tout en justesse et en subtilité, et qui, je l'espère, ne laissera aucun lecteur indifférent. 4 étoiles

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