L'histoire a pour cadre l'Angleterre de la fin du XIIe siècle, en pleine période de querelles et de luttes d'influences entre Normands et Saxons, deux peuples qui se battent pour le même territoire et doivent cohabiter, malgré leurs langues différentes et leurs coutumes diamétralement opposées.

     Cédric de Rotherwood, noble saxon, issu d'une lignée prestigieuse, et nostalgique de l'Angleterre saxonne, vaincue par les Normands en 1066, rêve de rétablir sur le trône d'Angleterre un roi saxon, et tout particulièrement Athelstane de Coningsburgh, l'un de ses voisins, dernier descendant des anciens rois saxons. Afin de mener à bien cette entreprise, il envisage de lui donner pour épouse sa pupille, Lady Rowena, elle-même princesse saxonne. Mais celle-ci refuse de se soumettre à sa volonté : elle est amoureuse et aimée de Wilfried d'Ivanhoé, fils de Cédric, que ce dernier a banni dans l'espoir de faire plier Rowena, en vain.

     Ivanhoé part en croisade en Terre Sainte avec le roi Richard Cœur de Lion, qui est fait prisonnier lors du retour et emprisonné en Autriche. Ivanhoé rentre alors secrètement en Angleterre, où il fait la connaissance d'une belle et jeune juive, Rebecca, fille d'Isaac d'York, qu'il a protégé et défendu, chose rare dans une Angleterre où l'antijudaïsme est monnaie courante, et où l'on extorque sans cesse aux Juifs de l'argent sous divers prétextes, en les écrasant sous des taxes aussi exorbitantes qu'injustifiées.

     À l'occasion d'un tournoi organisé entre Normands et Saxons à Ashby, Ivanhoé trouve l'occasion de faire son grand retour, en défiant successivement tous les plus grands chevaliers normands, notamment Bracy, Malvoisin, Bois-Guilbert et Front-de-Bœuf, inféodés au Prince Jean, frère de Richard, qui tente de s'emparer du trône en l'absence de son frère. Aidé d'un mystérieux chevalier noir dont l'identité ne sera dévoilée que bien plus tard, Ivanhoé remporte anonymement le tournoi d'Ashby, mais il est grièvement blessé lors de la lutte finale, et le chevalier saxon devra combattre sur tous les fronts, afin de sauver son roi, de regagner sa place dans sa famille, d'épouser Rowenna et de sauver la belle Rebecca des griffes des Normands...

 

     Tout le monde connaît, au moins de nom, Ivanhoé, Richard Cœur de Lion, Frère Tuck ou encore Robin des Bois, notamment grâce au célèbre film de Richard Thorpe, réunissant Robert Taylor dans le rôle-titre et Liz Taylor dans celui de Rebecca.

Mais là où le film se concentrait sur l'histoire d'amour impossible entre le chevalier épris d'une Saxonne et la belle juive, Walter Scott s'intéresse avant tout aux intrigues et autres complots qui mettent aux prises Normands et Saxons, et même s'il sacrifie régulièrement aux exigences du genre romanesque, parfois jusqu'à l'excès (avec par exemple la résurrection complètement rocambolesque de l'un des personnages), Scott fait revivre sous nos yeux cette fin du XIIe siècle tourmentée, où les Saxons tentent une dernière fois de se rebeller contre l'autorité tyrannique que les Normands cherchent par tous les moyens, même les plus ignobles, à leur imposer.

     Absolument passionnant, fourmillant de scènes amusantes (tel ce passage où le bouffon de Cédric, Wamba, afin d'éviter un contact qu'il juge déshonorant avec le juif Isaac, se sert d'un jambon comme d'un bouclier), le roman de Walter Scott nous livre aussi son lot de combats épiques (l'assaut du château de Front-de-Bœuf par les hors-la-loi de Sherwood, menés par un certain Locksley, en est sans doute le meilleur exemple), de tournois palpitants et de trahisons et rebondissements en série, jusqu'à un incroyable procès pour sorcellerie instruit de façon arbitraire par les sbires du prince Jean.

     Le style, volontairement vieillot et ampoulé, reste étonnamment agréable à lire, et même les longues descriptions des scènes de combat, des lieux ou des personnages font partie intégrante de l'intrigue et ne sont jamais lassantes ni superflues.

     Bien sûr, on aurait pu souhaiter que Scott délaisse un peu plus les combats et autres tournois pour insister davantage sur les amours contrariées d'Ivanhoé et de Rebecca, même si, il faut le reconnaître, Scott peint aussi bien les tourments de la passion amoureuse que les exploits guerriers de ses héros.

      Avec ses multiples intrigues, ses coups de théâtre, ses méchants très méchants et ses gentils très gentils (oui, Scott est un petit peu manichéen sur les bords), ses nombreux personnages, tous plus intéressants les uns que les autres, ce roman vous emporte dans un tourbillon d'aventures incroyables où les chevaliers au grand cœur arrivent in extremis pour sauver les jeunes filles en détresse. Un grand classique de la littérature anglo-saxonne, malheureusement trop oublié des jeunes lecteurs contemporains (d'autant que la plupart des versions proposées par les éditeurs français sont - hélas ! - abrégées), et qui demeure pourtant, et de loin, l'un des meilleurs romans de chevalerie jamais écrits.   4 étoiles

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