L'histoire commence en janvier 1946, à Londres, qui se remet difficilement de l'épisode terrible qu'a constitué la Seconde Guerre Mondiale. Juliet est une jeune écrivain anglaise, en quête d'inspiration pour son prochain roman, après avoir connu un succès retentissant en faisant rire ses lecteurs par des chroniques humoristiques et légères sur la guerre. Un beau jour, elle reçoit une lettre d'un certain Dawsey Adams, habitant de l'île de Guernesey, qui a trouvé son adresse dans un vieux livre et lui adresse une requête d'ordre littéraire. Amusée, Juliet se prend au jeu et se met à entretenir avec lui une véritable correspondance. Dawsey lui apprend alors qu'il fait partie d'un cercle littéraire créé à Guernesey pendant l'Occupation allemande, un soir où, exceptionnellement, le groupe d'amis auquel il appartient a pu déguster un cochon grillé (et une tourte aux épluchures de patate). Tout cela reste encore bien mystérieux pour Juliet qui, fort intriguée, ne cesse de demander des précisions sur le cercle, d'abord à Dawsey lui-même, puis, progressivement, à d'autres membres du groupe. Juliet découvre alors peu à peu, derrière les discussions littéraires, une autre réalité, bien moins sympathique, et qui a laissé des traces dans toutes les mémoires : celle de la guerre, de l'Occupation, des camps, toute cette réalité à laquelle elle était finalement si peu exposée en résidant à Londres. C'est alors un double roman qui s'élabore petit à petit par le biais de cette correspondance multiple, celui que nous avons entre les mains, bien sûr, mais aussi celui de Juliet, qui se construit sur tous ces témoignages concernant la vie sous l'Occupation. Désormais, Juliet n'a plus qu'une idée en tête : se rendre à Guernesey pour rendre visite à ses nouveaux amis et y puiser l'inspiration nécessaire pour écrire son nouveau livre. Elle n'imaginait pas que ce qu'elle trouverait sur cette île bouleverserait sa vie à jamais...

 

Avec un titre aussi loufoque et impossible à retenir correctement que celui-ci, difficile de résister à l'appel de ce livre charmant à bien des égards ! Voici en effet un roman épistolaire léger, malgré la gravité des souvenirs et des situations qui y sont évoqués, frais, savoureux, délicat, que l'on déguste avec un plaisir sans cesse renouvelé. Les personnages, qu'il s'agisse de Juliet et de ses amis londoniens, ou des membres du "cercle", Dawsey, Isola, Eben, John Booker et autres, sont tous aussi attachants les uns que les autres, possédant chacun leur caractère, leur passé et surtout leur façon d'écrire cercle.jpgparticulière, qui les rend uniques à nos yeux. Par le biais de l'écriture épistolaire, le lecteur a l'impression d'être un petit curieux tombé sur une correspondance secrète entre de futurs grands amis, et l'on suit avec délectation les progrès de cette amitié naissante. Tout, dans ce roman, est d'une justesse absolue, jamais dans le pathos, soigneusement travaillé, en un mot rafraîchissant. On sent également poindre au fil des pages, surtout dans les lettres écrites par Juliet, un humour délicat, présent en filigrane, allant souvent du côté de cette auto-dérision toute britannique qui fait souvent le charme des romans anglais, et qui rappelle certaines pages d'Agatha Christie ou d'Elizabeth Peters, deux autres grandes romancières anglaises aux côtés desquelles Mary Shaffer et Aline Azoulay se hissent parfois. Roman à quatre mains, mais aussi roman à mille voix, voici un livre à côté duquel il serait dommage de passer, ce qui aurait fort bien pu être mon cas, si l'insistance de quelques amis n'avait fini par me convaincre, tout en permettant à l'écriture magnifique des deux auteurs de vaincre mes dernières réticences. On ne s'ennuie pas un instant, chaque lettre étant parfaitement justifiée, y compris les télégrammes que les correspondants s'échangent de temps à autre. Tout y est, tantôt la légèreté, tantôt le tragique, tantôt l'humour, tantôt l'amour et l'amitié. Alors, certes, ceux qui penseraient y trouver des discussions enflammées sur la littérature, sur le bonheur de lire, sur l'amour des livres etc., repartiront immanquablement déçus, car il est finalement très peu question de livres (et d'ailleurs, leur choix est pour le moins hétéroclite : poèmes de Charles Lamb, écrits de Sénèque ou de Marc-Aurèle, recettes de cuisine), mais cela importe peu, car l'histoire est vraiment superbe et l'on garde pour les personnages, même après avoir refermé le livre, un sentiment de tendresse amusée, comme si l'on avait du mal à les quitter pour de bon. De toute façon, rien que pour la référence à Oscar Wilde (à la fin du livre mais -chut- je n'en dis pas plus), ce roman vaut le détour. Enfin, ne vous laissez pas effrayer par la mention d'Anna Gavalda sur la quatrième de couverture, ce livre vole à mille pieds au-dessus des siens !  4 étoiles

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