Amédée Fleurissoire, persuadé par des escrocs que le pape a été enlevé suite à un complot mondial, décide de partir pour Rome afin de le sauver. Lafcadio, jeune arriviste décidé à se faire reconnaître comme le fils naturel d'un baron, et se retrouve maître à chanter, pris un peu malgré lui dans un jeu de dupes où il a tout à gagner. Leurs deux histoires se croisent le temps d'un voyage en train, lors du passage le plus célèbre du roman : et si Lafcadio poussait Amédée hors du train, sans aucune motivation, juste comme ça, gratuitement ? L'acte gratuit dans toute sa splendeur...

Sans doute l'oeuvre la plus accessible lorsque l'on veut s'attaquer à Gide, malgré son intrigue assez embrouillée. Un roman, ou mieux, une "sotie", selon la dénomination que Gide lui donna lui-même, c'est-à-dire une farce satirique : satire des dévots et des crédules en général, des francs-maçons, de la haute bourgeoisie aussi, du monde de l'argent... Une histoire grinçante, souvent teintée d'humour noir, mais plaisante et véritablement atypique. Une simplicité de style revendiquée, mais qui cache un travail de la langue fort complexe, sensible dans les variations d'un personnage à l'autre. Même les prénoms des personnages donnent le ton : Amédée, Anthime, Arnica, Juste-Agénor... On comprend que la réflexion philosophique, proche de celle de Dostoïevski, ait intéressé les surréalistes : l'acte gratuit y apparaît comme une sorte de défi lancé à Dieu et à l'ordre du monde, selon un principe de vie fondé sur l'humour noir et l'imprévisibilité de la conduite et des actes de chacun. Un vrai plaisir de lecture.
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