Cette histoire commence par un banal dîner dans la haute bourgeoisie parisienne. Banal ? Non, car l'hôtesse, la très raffinée Sophie du Vivier (ça ne s'invente pas !), a tout prévu, tout millimétré, tout orchestré dans les moindres détails, comme à chaque fois, pour que ce dîner soit absolument parfait. Du choix des invités au plan de table en passant par le menu et la décoration, rien n'a été laissé au hasard, car l'enjeu du dîner est primordial : permettre à M. du Vivier de conclure une affaire avec un célèbre homme d'affaires étranger, invité d'honneur de la soirée. Mais au dernier moment, alors que la maîtresse de maison pensait avoir paré à la moindre éventualité, un invité se décommande, et c'est le drame : au moment de passer à table, il n'y a plus que treize convives, dont l'une, ultra superstitieuse, refuse de commencer le dîner dans ces conditions. La situation est désespérée, mais aux grands maux, les grands remèdes. Une nouvelle "invitée" est choisie au mépris de toutes les règles de la bienséance : il s'agit de la bonne de la maison, Sonia. Mais l'on n'abolit pas si facilement les convenances et les préjugés de caste, et la pauvre Sonia apprend à ses dépens que l'on ne pénètre pas ainsi le cénacle du gratin parisien, surtout lorsqu'on s'appelle en réalité Oumelkheir Ben Saïd, que l'on est d'origine maghrébine, et que l'on prépare un doctorat d'Histoire de l'Art. Une soubrette arabe (enfin, berbère) et intelligente de surcroît, c'est plus qu'il n'en faut pour faire déraper la soirée et révéler les vraies natures de chacun...

 

Depuis le temps que Pierre Assouline inonde la blogosphère de ses chroniques pédantes et dégoulinantes de suffisance, on attendait avec impatience de lire l'un de ses écrits, qui devaient sans nul doute être bien supérieurs à tous les romans qu'il renvoie régulièrement aux limbes dont ils n'auraient jamais dû sortir, selon lui. Eh bien, précisément, c'est loin d'être le cas. Disons-le franchement : ce roman est complètement raté. L'intrigue tient sur un post-it et a dû être rédigée entre invites.jpgChâtelet et République, les personnages sont stéréotypés et prévisibles (en plus d'être tous excessivement odieux et déplaisants, enfermés dans leurs préjugés ou au contraire pétris de bonnes intentions), les dialogues d'une banalité et d'une stupidité effrayantes (florilège de thèmes abordés lors des conversations mondaines du dîner : l'immigration, la religion, l'excision, les rapports entre le Proche-Orient et l'Occident...), sans parler du style, horripilant. Oui, Pierre Assouline a visiblement dévoré le Littré, et il adore nous montrer l'étendue de son vocabulaire et sa maîtrise de la syntaxe en allongeant délibérément ses phrases ou au contraire en les hachant à la Duras, s'imaginant sans doute que c'est là ce qu'on appelle "avoir du style". De même, répéter les bons mots de Churchill ou de Guitry donne certainement l'air brillant en société, mais les recopier dans son roman ne donne pas plus d'esprit à ses personnages, qui en sont cruellement dépourvus, malgré leur brillante carte de visite, puisqu'ils sont pour la plupart issus de Sciences Po ou de l'ENS (enfin, entre gens de la "haute", on dit visiblement "la rue d'Ulm", ça fait plus chic). En bref, si l'on s'attend à de l'humour caustique ou à une satire virulente de l'élite parisienne, on est immanquablement déçu, sans doute parce que Pierre Assouline est lui-même trop proche de ce genre de cercles prétendument intellectuels pour en brosser un portrait décapant. Quel dommage que ce critique, si prolixe lorsqu'il s'agit de dénigrer le travail des autres (ou d'encenser des auteurs complètement méconnus, et souvent à juste titre), ne soit pas plus clairvoyant sur son propre talent, et nous serve ce genre d'ouvrage ennuyeux au possible. Que Pierre Assouline, dorénavant, garde sa brillante culture pour ses soirées et ses cocktails, au lieu de la déverser pompeusement sur un pauvre lecteur qui n'en demandait pas tant.   0 étoile.

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