Sinouhé, trouvé dans une corbeille lancée dans le Nil, lorsqu'il était encore un nourrisson, a été recueilli et élevé au sein d'une famille de la bonne société thébaine. L'éducation raffinée qu'il y reçoit l'amène tout naturellement à rejoindre la prestigieuse Maison de la Vie de Thèbes, où il apprend brillamment le métier de médecin. A sa sortie de la Maison de la Vie, Sinouhé s'installe à son compte et entreprend de soigner la population thébaine, sans distinction de richesse ou de naissance, simplement par amour de la médecine et par humanité. Mais le hasard veut qu'il rencontre un jour la sublime Nefernefernefer (comme son nom l'indique !), courtisane de son état, qui le séduit d'un seul regard, et pour qui Sinouhé est prêt à toutes les folies, à tous les sacrifices. Alors que cette passion entreprend de le dévorer, il est appelé au chevet du pharaon Amenhotep III pour une trépanation en urgence, ce qui lui permet de rencontrer le fils du pharaon, le futur Akhénaton, ainsi qu'un général énergique et ambitieux, Horemheb. Peu après, suite à un nouveau caprice de Nefernefernefer, Sinouhé se retrouve contraint de vendre toutes ses possessions, maison comprise, espérant par là satisfaire enfin les exigences de la belle courtisane. Mais celle-ci raille le médecin désargenté et lui ferme définitivement sa porte : pauvre, il n'est plus pour elle d'aucun intérêt. Contraint à l'exil pour espérer se refaire une fortune et une réputation, il est convoqué par Horemheb, qui lui confie une mission d'espionnage au Proche-Orient : craignant, à juste titre, l'avènement du futur pharaon, Horemheb est très inquiet pour la politique internationale de l'Egypte, et il charge le jeune médecin de cette mission périlleuse. Celui-ci n'a plus qu'à se mettre en route, en compagnie de Kaptah, son esclave facétieux, sur les chemins hasardeux de Syrie, de Babylonie, et même jusqu'au mystérieux pays des Hittites, dont la puissance grandissante menace de plus en plus les intérêts de l'Egypte au Proche-Orient...

 

Parmi tous les auteurs qui se sont attaqués à l'Egypte ancienne, et notamment au mythe d'Akhenaton, peu ont réussi à créer une véritable oeuvre littéraire, loin des considérations romanesques éculées servant de trame à d'autres auteurs populaires se prenant pour des égyptologues renommés. Mika Waltari parvient à fairesinouhe1.jpg revivre sous nos yeux ébahis cette Egypte du XIVe siècle avant notre ère, jusque dans les moindres détails de sa vie qu otidienne. Par les yeux d'un narrateur désabusé écrivant ses mémoires de médecin, nous plongeons dans cet univers haut en couleurs, où les courtisanes frivoles côtoient des pharaons à l'aura et aux projets démesurés, où toute action accomplie en coulisses peut créer un véritable bouleversement sur la scène internationale, où les ambitions se croisent, où les réputations se font et se défont autour d'une coupe de vin... A la fois quête des origines, roman d'espionnage avant l'heure et roman initiatique, cette oeuvre nous entraîne dans un tourbillon d'intrigues et de complots absolument passionnant. Le style est agréable, proche de la phraséologie égyptienne (ce qui n'est pas toujours très facile à rendre en français), même si Waltari semble particulièrement aimer multiplier les coordinations dans ses phrases, à la limite de l'hyperbate, ce qui rend parfois la lecture un peu difficile, voire pénible, notamment dans le second volume. Mais la variété des aventures et des rebondissements, et les caractères attachants des personnages nous font vite oublier ce léger défaut d'écriture : de Sinouhe2.jpgtous, Kaptah est sans conteste le personnage le plus drôle et le plus sympathique, veule, rompu aux entourloupes du commerce, doté d'une langue agile, voire mordante et d'un bon sens populaire hilarant, tout à fait dans la lignée des valets de Molière ou de Jacques le fataliste. Chaque apparition de l'esclave malicieux est l'occasion d'un grand éclat de rire, et nous rend plus supportable la mélancolie, voire l'aigreur, de Sinouhé, dont on comprend pourtant le dégoût vis-à-vis de l'humanité, étant donné les aventures qu'il traverse au cours de ce roman. Saluons aussi le fait qu'Akhénaton ne soit pas présenté comme un infirme illuminé atteint d'une maladie congénitale, même si, d'un strict point de vue historique, certains faits présentés par l'auteur ont été remis en question par les découvertes de ces dernières années. Waltari signe tout de même ici un très grand roman sur l'Egypte ancienne, accessible à tous, même si le second volume, plus politique que romanesque, risque de décevoir certains lecteurs. On passe un très bon moment, et nul doute qu'après cette lecture, vous trouverez que les romans de Christian Jacq ne sont qu'un "bourdonnement de mouches" à vos oreilles !    3,5 étoiles

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