Avery School, prestigieuse école privée de la Nouvelle-Angleterre, est au cœur du scandale : une vidéo, montrant les ébats de trois garçons, manifestement ivres, et d'une jeune fille de quatorze ans, circule sur Internet. Le directeur de l'école fait tout pour étouffer l'affaire au plus vite, mais le mal est déjà fait. Telle une boîte de Pandore, le contenu de la cassette va révéler les secrets d'un microcosme apparemment sans histoire, mais où règnent en réalité mensonges, jalousies et trahisons les plus viles... D'autant que l'affaire est loin d'être évidente : la jeune fille prétend avoir été violée, et même si la vidéo prouve le contraire, le fait qu'elle soit mineure et bien plus jeune que ses partenaires leur vaut d'être soupçonnés d'agression sexuelle, un délit passible de prison. La communauté est sous le choc : comment trois élèves aussi brillants et charmants que ces garçons ont-ils pu se laisser entraîner dans cette orgie répugnante ? Très vite, la presse s'empare de l'affaire, et la vie des élèves, des enseignants et des parents tourne au cauchemar, jusqu'au terrible drame qui frappe inévitablement cette communauté déjà meurtrie...

 

À partir d'un tel thème, on imagine sans peine le portrait sans concession d'une Amérique décadente et tiraillée entre puritanisme et voyeurisme qu'auraient pu faire Philip Roth, Paul Auster ou même Bret Easton Ellis. Malheureusement, c'est Anita Shreve qui a décidé d'en tirer un roman. Un roman laborieux, pénible et bourré d'une morale bien-pensante aussi ridicule que répugnante. L'auteur n'a pas peur d'enfoncer des portes ouvertes en partant en croisade contre l'influence de l'alcool sur les jeunes, ScandaleuseAffairele rôle néfaste d'Internet dans la propagation de rumeurs capables de briser une vie ou encore contre les dérives sexuelles qui guettent les adolescents à la moindre soirée un peu trop arrosée. Elle ne redoute pas davantage les stéréotypes : bien entendu, la gamine est une petite allumeuse qui non seulement a réussi à séduire trois garçons bien plus âgés qu'elle, mais qui retourne en plus la situation à son avantage en les accusant de viol, tandis que les victimes de cette "croqueuse d'hommes" déjà bien mature pour son âge sont de paisibles élèves, brillants et sans histoire, à qui l'alcool ou la colère a fait perdre les pédales... Le choix de l'alternance narrative, loin de donner davantage d'épaisseur à l'intrigue en permettant d'en saisir les enjeux depuis différents points de vue, ne fait que ressasser les mêmes éléments et les mêmes rebondissements attendus à des kilomètres. L'écriture elle-même souligne lourdement les actes et les pensées des personnages, distribuant allègrement bons et mauvais points pour éclairer un lecteur qui sans cela ne saurait bien évidemment pas distinguer les bons des méchants. En bref, cette dénonciation du système et de la faute partagée manque bien trop de subtilité et de profondeur : en restant au ras des pâquerettes, Anita Shreve livre un roman consensuel et attendu sur un sujet suffisamment sulfureux pour attirer les lecteurs aussi avides de scandale que les journalistes qui envahissent Avery, mais heureusement traité de façon moralisatrice et dogmatique. On ne sait jamais, il ne faudrait pas donner des idées à d'autres... 1 étoile

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