Famille Malaussène, épisode 3 : Clara, à peine sortie des bancs du lycée, décide d'épouser un fringant quinquagénaire, Clarence de Saint-Hiver, directeur d'une prison modèle, où les criminels se transforment en artistes, écrivains, peintres, musiciens, où encore traducteurs de Virgile en serbo-croate...
     Benjamin ne s'est pas encore remis de l'annonce de cette union inattendue et, pour la énième fois, a donné sa démission à la Reine Zabo, charismatique directrice des Editions du Talion. Mais très vite, tout part en vrille : le jour du mariage, Saint-Hiver est assassiné dans sa prison, sans doute torturé à mort par ses propres détenus, Clara est inconsolable, et surtout, elle annonce à Benjamin qu'elle est enceinte...
      Ce dernier, bien décidé à constituer à ce nouveau venu dans la tribu une dot en bonne et due forme, accepte le marché que lui propose la Reine Zabo : se faire passer pour JLB, un auteur de best-sellers qui tient pour l'instant à conserver l'anonymat, lors de grandes campagnes de publicité, d'interviews et de cérémonies publiques destinées à révéler au monde entier le visage du fameux JLB.
    Mais Julie, ressuscitée d'entre les morts lors de l'épisode précédent, journaliste d'investigation et accessoirement moitié de Malaussène, est loin d'être emballée par ce projet, et la dispute qui s'ensuit entre les deux amoureux aboutit à une rupture aussi imprévue qu'irréversible. Benjamin décide tout de même de jouer jusqu'au bout le rôle qu'on lui a confié mais, bien évidemment, la poisse malaussènienne a encore frappé : lors d'un grand show au Palais Omnisports de Bercy, Benjamin tombe sous les balles d'un sniper embusqué dans le public, atteint en pleine tête. Dès lors, Julie n'aura plus qu'une seule idée en tête : venger coûte que coûte l'homme qu'on lui a volé...

     Retour à Belleville en compagnie de la famille la plus déjantée qui soit : les Malaussène. On retrouve avec un plaisir non dissimulé Benjamin, bien entendu, mais aussi Julie, Clara, Thérèse, Jérémy, le Petit, Verdun, Thian, Simon le Kabyle et Mo le Mossi, Yasmina, Amar, Coudrier, Caregga, le Dr Marty... Sans oublier Julius, le chien épileptique aux relents radioactifs.
  
   Ce volume nous permet aussi de mieux faire connaissance avec l'imposante Reine Zabo, à qui renvoie le titre du roman, ce tout petit corps de femme surmonté d'une tête gigantesque, passionnée de lecture depuis son plus jeune âge, mais aussi marquée, comme tous les personnages de Pennac, par des blessures secrètes enfouies sous une armure de froideur apparente (NB : l'illustration de la couverture ci-contre ne lui rend pas vraiment hommage !).
     Ajoutons que cette immersion dans le monde de la littérature et de l'édition est un vrai régal, et permet à Pennac de varier son propos d'un livre à l'autre, en changeant complètement d'univers tout en gardant les mêmes personnages, auxquels il semble arriver, en quelques jours, plus de problèmes et d'aventures extraordinaires qu'à n'importe quel lecteur en une vie entière !
     De nouveau, on retrouve l'humour à toute épreuve qui faisait le charme des volumes précédents, le style souple, élancé, convaincant, ainsi que l'intrigue policière originale et pleine de suspense et de coups de théâtre.
     Alors, certes, le dénouement est aussi invraisemblable que dans les autres tomes de la saga, l'auteur semble tuer son héros pour mieux le ressusciter la prochaine fois (mais, honnêtement, on pouvait s'y attendre, au vu de ses précédents en la matière !), les ultimes rebondissements sont parfaitement incroyables, mais c'est aussi pour cela qu'on aime Pennac, car il s'amuse avec ses histoires et ses personnages autant que nous lorsque nous découvrons, page après page, tout ce qu'il leur fait subir, mêlant comique burlesque, absurde et pathétique d'un chapitre à l'autre, sans jamais se départir, toutefois, d'un optimisme à toute épreuve. Un roman extraordinaire dans tous les sens du terme, et à mon sens le meilleur de la série pour l'instant. Alors, comme on dit, vivement la suite !

Voir les précédentes critiques sur la saga Malaussène :
Au bonheur des ogres, de Daniel Pennac
La fée carabine, de Daniel Pennac
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